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Les femmes et la santé cardiovasculaire

24 mai 2022

Dr Martin Juneau

Dr Martin Juneau

Médecin, cardiologue et professeur titulaire de clinique à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal

Temps de lecture 4 minutes

Quand on parle de maladies qui touchent les femmes, on pense spontanément au cancer du sein. Les femmes se sentent peu concernées par les maladies cardiovasculaires. Or, ces maladies sont la première cause de décès chez les femmes dans le monde et l’une des principales causes de décès prématuré chez les Canadiennes. Le Dr Martin Juneau, cardiologue, nous explique que les femmes doivent s’en préoccuper, et ce, à tout âge.

Q
D’où vient la croyance que les femmes sont protégées contre les maladies du cœur?
R

Chez les femmes, on voit le plus souvent apparaître les premiers symptômes ou la première crise cardiaque après l’âge de 65 ans, plutôt que vers 55 ans chez les hommes. Les morts subites, comme celle de Jean-Marc Vallée, qui marquent l’imaginaire, arrivent davantage chez les hommes que chez les femmes. Ce sont les œstrogènes sécrétés de la puberté à la ménopause qui protègent en partie les femmes des risques de maladies cardiovasculaires.

Q
La ménopause augmenterait donc le risque de maladies du cœur?
R

Lorsque les taux d’œstrogènes chutent après la ménopause, le risque de maladie du cœur augmente progressivement dans les années qui suivent pour devenir équivalent à celui des hommes. Cela est aussi vrai dans le cas d’une ménopause précoce qui surviendrait avant 45 ans, comparativement à l’âge moyen de 51 ans.

Fait à noter, le traitement hormonal de substitution prescrit à certaines femmes ménopausées ne prévient pas le risque cardiovasculaire, comme on le pensait dans les années 1980-1990, mais il ne semble pas l’augmenter quand les autres facteurs de risque sont bien contrôlés. Si les femmes souffrent de symptômes de la ménopause qui affectent leur qualité de vie et qu’il n’y a pas de contre-indications au traitement hormonal, ce serait une bonne idée d’en discuter avec leur médecin.

Q
Avant 50 ans, est-ce que les femmes peuvent avoir l’esprit tranquille côté cœur?
R

Pas vraiment. La protection due aux œstrogènes n’est pas une garantie à 100 %! Si des facteurs de risque sont présents, comme le tabagisme, surtout s’il est associé à un contraceptif hormonal, le danger est bien existant, même chez les femmes de moins de 35 ans. Peu importe qu’elles aient 20 ans ou 40 ans, les femmes qui fument devraient opter pour d’autres moyens de contraception ou, mieux encore, arrêter de fumer.

La grossesse demeure une période à surveiller. Comme le cœur doit travailler plus fort, il arrive parfois que se révèle une maladie cardiaque ignorée jusque-là. D’autre part, des problèmes associés à la grossesse, comme le diabète gestationnel, augmentent le risque de souffrir de maladies cardiovasculaires plus tard dans la vie.

Il ne faut pas non plus oublier que l’athérosclérose (accumulation de graisses sur les parois des artères qui forment des plaques et rétrécissent les artères) commence dès la vingtaine.

Il est donc important de prendre soin de la santé de son cœur à tout âge, d’autant plus qu’on a noté une augmentation de la survenue de maladies cardiovasculaires chez des personnes de plus en plus jeunes dans les dernières années.

Q
Comment expliquez-vous cette tendance à la hausse des maladies cardiovasculaires? Touche-t-elle autant les femmes que les hommes? 
R

Malheureusement, les progrès réalisés par la baisse du tabagisme ainsi que par l’amélioration des soins médicaux depuis les années 1970 sont en train d’être contrecarrés par des problèmes de santé en hausse dans nos sociétés d’abondance. L’obésité joue un rôle très important. Au Québec, 50 % de la population est en surpoids ou obèse. Sans en être l’unique cause, cette condition est couramment associée à des maladies chroniques comme le diabète et l’hypertension. Et on ne sait pas très bien pourquoi, mais ces facteurs de risque sont plus dangereux pour les femmes que pour les hommes. Les jeunes femmes ne sont donc pas à l’abri de l’augmentation des maladies cardiovasculaires prévue dans les prochaines décennies.

Q
Le stress n’a-t-il pas aussi un rôle à jouer? 
R

Oui, le stress est un facteur de risque, moins reconnu que le diabète et l’hypertension, mais bien réel. De nos jours, les femmes assument beaucoup de responsabilités. En plus du travail, elles s’occupent des enfants, du ménage, et sont parfois même proches aidantes pour un parent vieillissant. Le stress généré par la charge mentale contribue donc à augmenter le risque chez les femmes jeunes et moins jeunes.

Q
Est-ce vrai que les symptômes d’un problème cardiaque sont différents chez la femme et chez l’homme?
R

Effectivement. Si les hommes et les femmes se plaignent souvent d’angine (douleurs et sensation de serrement dans la poitrine) avant une crise cardiaque, les femmes devraient aussi surveiller les symptômes suivants:

  • Une douleur dans le haut du dos ou au ventre;
  • Des nausées;
  • De la transpiration;
  • Des étourdissements ou des vertiges;
  • Un essoufflement et une fatigue inhabituelle.

Comme ces symptômes sont atypiques, ils ne sont pas toujours interprétés comme des signes de danger. Les femmes sont donc moins enclines à se présenter à l’hôpital et sont souvent sous-diagnostiquées. Elles ne devraient pourtant pas hésiter à se rendre à l’urgence afin d’être traitées adéquatement.

Et après un infarctus, elles vont moins souvent que les hommes en réadaptation cardiaque, où elles pourraient apprendre à bien gérer leurs facteurs de risque, leur médication ainsi que les situations stressantes, pour diminuer les possibilités de refaire un autre accident cardiovasculaire.

Q
Quels messages aimeriez-vous transmettre aux femmes?
R

Les femmes doivent prendre au sérieux les maladies cardiovasculaires et être sensibilisées aux facteurs de risque. Après 40 ans, ou avant si elles présentent certains facteurs de risque, il est souhaitable qu’elles fassent mesurer leur glycémie (taux de sucre), leurs niveaux de cholestérol ainsi que leur tour de taille. Quant à la tension artérielle, il est recommandé de la faire mesurer lors de toute consultation médicale qui s’y prête.

La bonne nouvelle, c’est qu’on estime que 80 % des maladies cardiovasculaires prématurées pourraient être évitées en adoptant de saines habitudes de vie comme bien manger, bouger chaque jour, vivre sans fumée, gérer le stress, etc.

Plus tôt on met en place ces habitudes, mieux c’est, puisque les personnes qui ne présentent pas de facteurs majeurs de risque de maladies cardiaques vers la quarantaine sont plus susceptibles de rester en bonne santé plus longtemps que les autres sur le long terme. Mais il n’est jamais trop tard pour s’y mettre!

 

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Merci au Dr Martin Juneau, cardiologue à l’Institut de Cardiologie de Montréal et directeur scientifique de Capsana, initiatrice de TOUGO, pour sa collaboration à cet article.

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